J’ai accompagné des personnes en individuel et en groupe pendant 18 ans. Je garde de ces moments professionnels le souvenir d’une multitude de rencontres merveilleuses, lors desquelles mon émotion était souvent en résonnance avec la vibration de celui ou celle qui se raconte dans son intimité. Il y eut, sans conteste, le plaisir de partager une proximité, dans un cadre relationnel protecteur pour l’un (le client) comme pour l’autre (l’accompagnateur). Cette sécurité que le guide installe, et dont il est le garant, offre beaucoup de possibilités à chacun de rencontrer son vrai Soi. Des expériences riches qu’une vie sans accompagnateur n’offre pas si souvent.
Je me souviens du plaisir ressenti lorsqu’un noeud qui bloquait depuis longtemps se relâche, juste parce que le sujet est mûr pour la transformation. Le travail se situe là : contribuer à ce que le sujet soit prêt, accueillir une métamorphose qu’il opèrera lui-même, autonome, soutenu par la présence rassurante de l’accompagnateur et sa bienveillance.
Je me souviens combien j’ai été émerveillé par ces déblocages. L’un rendait possible l’arrivée d’un enfant dans un couple, l’autre la création d’une histoire d’amour authentique, un conflit qui se dépasse, une colère saine qui devient exprimable puis se fluidifie en trouvant sa voie d’extériorisation, des souffrances enfin accueillies, tant d’autodestructions évitées, de sabotages désamorcés. Des vies plus légères, plus joyeuses, plus sereines, plus fantaisistes se mettaient à croitre devant mes yeux attendris. Des individus ré-incluaient des facettes rejetées d’eux-mêmes : leur féminité, leur masculinité, leur dimension sacrée, la puissance qu’ils s’autorisaient d’un coup – ou progressivement – à libérer, leur fierté, leur sensibilité, la fragilité qu’ils parvenaient à convertir en force, la part d’ombre à laquelle ils réservaient enfin une place. Toutes ces métamorphoses se prenaient à exister dans mon atelier, au devant d’une surprise chaque fois renouvelée de constater à quel point l’être humain est capable de résilience, de croissance et d’épanouissement, actualisant la tendance à se développer inscrite en lui, incarnant ses valeurs et sa belle personnalité.
Mettre en question sans dominer.
Je me souviens de certains conseils de Mooji, un sage jamaïcain rencontré au hasard de mes lectures d’homme en construction, et de somatothérapeute en recherche : reçois sans posséder, jouis sans avidité, détends-toi sans paresse, travail sans efforts, observe sans juger, sers sans ostentation, mets en question sans dominer, ris sans cynisme, pleure sans pitié, affronte sans haine, existe sans image de toi, guide sans supériorité, abandonne-toi sans hésiter…
Ces maximes de sagesse, en plus de les méditer pour mon propre compte, devenaient des balises pour mon travail de somatothérapeute, parmi d’autres, extraites de l’exploration des théories de nos pères fondateurs : W. Reich, F. Perls, S. Freud, C. Rogers, E. Berne, A. Lowen, G. Alexander, M. Erickson, C. G. Jung, Th. Bertherat, J. Kepner… Je cimentais mon approche particulière avec l’enseignement de mes formatrices et formateurs, Jean-Marie et Isabelle Jobelin, Brigitte Chavas, Déborah Bacon, Myriam Thierry, Claudia Gaulé, Bernadette Blin… J’agrémentais grace aux conclusions des parcours en thérapie psycho-corporelle dont je faisais régulièrement l’expérience, accompagné à mon tour de thérapeutes hommes ou femmes. Quelle profonde gratitude éprouvée envers ces nombreuses personnes rapidement nommées ou restées anonyme dans ce court paragraphe. Chacun a éclairé ma vie de ses valeurs incarnées et de la bienveillance avec laquelle ils délivraient leur enseignement.
Accompagner sans arrogance…
Accompagner est accessible à chaque praticien, pourvu qu’il ait le goût de l’autre et se forme aux logiques du métier de coach corporel. L’accompagnement nourrit beaucoup plus qu’il n’épuise, enrichit plus qu’il n’assèche, fait grandir, réfléchir, ouvre le coeur, apportant tellement de gratifications, de joie et de rigueur plaisante que le privilège d’exercer le coaching en deviendrait presque excessif.
J’ai essayé, chaque fois, d’accompagner sans arrogance et j’espère y être le plus souvent parvenu. Aujourd’hui, mon plaisir d’accompagner se vit au sein de l’Ecole du Massage Intuitif où je peux régulièrement me réjouir de voir évoluer des professionnels qui ont fait le choix du massage comme « outil » et comme talent relationnel. Je suis tellement touché de les voir habiter de plus en plus leur corps, prendre de plus en plus soin de leur personnalité, leur sensibilité, leur douceur, leur éthique, leur créativité, leur envie de donner, accompagnés par l’équipe soudée des formateurs. C’est un délice de les voir tant avancer. Merci à eux !
Vers d’autres contrées.
La seule raison qui pouvait me faire renoncer à cette joie quotidienne d’accompagner était l’envie de voyager. Pour découvrir en profondeur une nouvelle culture, j’ai laissé la place à d’anciens stagiaires de l’école devenus experts, pour poursuivre le bienfait de travailler sur soi par le biais du corps. L’abnégation nécessaire à l’accompagnement ne peut tolérer la discontinuité du soutien dans la relation aux clients. Ayant droit à toutes les imperfections du monde, à condition qu’il accepte de les travailler en supervision, l’accompagnateur ne peut toutefois pas abandonner. Il doit à son client d’être présent jusqu’au prochain refuge, s’interdit de le laisser au milieu du gué. Bien clôturer un accompagnement fait partie de l’art d’accompagner. C’est le moment de la fierté du chemin parcouru, de l’intégration des qualités glanées en route, de la gratitude, de l’un et de l’autre, pour la richesse de la relation qui nous a unis.