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La relaxation coréenne

La relaxation coréenne est une technique de détente du corps qui se pratique au sol. Une personne est allongée sur le dos, dans une tenue confortable, pendant que le praticien intervient sur elle en partant des pieds et en montant progressivement vers la tête. Mais derrière la technique, c’est l’intention du praticien qui porte les effets relaxants.

 

L’objectif de la relaxation coréenne est de permettre le lâcher-prise. C’est en prenant conscience qu’il peut lâcher, qu’il peut faire confiance à l’Autre (représenté pendant la séquence par le praticien) et en expérimentant ce lâcher-prise dans son corps, que le patient décuplera sa détente.

Contrôler, ou s’abandonner.

La volonté de tout contrôler – souvent une forme atténuée de la névrose d’angoisse – se lit dans le corps. Cette attitude mentale s’accompagne notamment de crispations au niveau des articulations, engendrées par un tonus musculaire excessif. Elle se révèle par l’impossibilité de se laisser manipuler passivement, sans reprendre l’initiative du mouvement, soit pour s’opposer (enfant rebelle ou parent normatif incapable de souplesse), soit pour aider le praticien en anticipant ses gestes (enfant adapté ou parent nourricier fermé à l’accueil de son propre plaisir).

La relaxation coréenne vient dire par le geste et la présence : « Tu peux abandonner, l’espace d’une séance, cette volonté de tout contrôler. Tu peux sentir comment c’est, de vivre l’absence de tension, dans chacune de tes articulations ». Et elle ajoute : « Si c’est impossible pour toi de le vivre complètement, respecte cela, respecte les peurs, les tristesses, les colères qui sont derrière. Mais sens que par moment ou par endroit, tu peux aussi ne rien faire, ne pas agir, et sens comme c’est bon ».

 

L’attitude du praticien.

Pour permettre ce « décrochage » chez le receveur, le praticien soigne sa qualité de présence. Dans l’idéal, sa présence devrait être absolument constante dans son intensité. Chaque rupture de la relation peut faire revivre au patient une situation d’abandon. Chaque inattention du praticien va légitimement amoindrir la confiance qui s’installe, et nuire du même coup à l’objectif de la relaxation.

Cette présence, par sa qualité, soutient le receveur, l’accompagne dans une prise de conscience qui peut être émotionnellement difficile pour lui. Pour cela, le praticien est nécessairement enraciné, centré, très en lien avec la terre et avec son propre corps. Il se place dans une empathie raisonnée : il sent ce que ressent l’autre sans se laisser happer par l’autre. Pour se protéger, et pour rester efficace, il évite de se laisser gagner par les tensions ou les résistances de son patient… mais il comprend ces blocages, les respecte et compatit aux douleurs qu’ils entraînent. C’est en accueillant ces tensions, en leur laissant une place, en leur donnant le temps de dire leur sens, qu’il aidera le receveur à les résoudre. Une attitude qui consisterait à lutter contre, à vouloir pour l’autre obtenir une détente contre lui-même, ne déboucherait que sur un renforcement des résistances. Le praticien s’approprierait alors ce qu’il cherche à atténuer chez l’autre : la volonté de tout contrôler.

Pour guider son geste, le praticien a une connaissance intuitive du mouvement et des amplitudes articulaires qui se fonde sur son expérience. Il puise dans la conscience de son propre schéma corporel, pour créer le mouvement qu’il induira chez le receveur. S’il suivait un plan à la lettre, s’il appliquait trop scrupuleusement des techniques d’étirement, il perdrait le contact, au profit du mental, au détriment d’une relation corps à corps.

La relaxation coréenne est une incitation douce au relâchement en accueillant ce qu’il en sort, sur le plan émotionnel notamment. Une complicité forte entre un receveur qui donne à voir son intimité et un praticien qui sait la respecter.

Ce qui peut se passer au cours d’une séance.

La sensation de lâcher-prise progressif est différente d’un abandon subit et global dans lequel la personne accepte d’un coup de lâcher une peur, comme par exemple dans le cas d’un saut à l’élastique. Le lâcher-prise progressif pointe la difficulté dans chaque partie du corps. A chaque nouvelle étape, le receveur, incité à habiter son corps plutôt qu’à le fuir, ressent la tension, la difficulté éventuelle de lâcher, puis l’extase du relâchement. A chaque articulation, il peut être ramené à une séquence de sa vie. Sans forcément prendre conscience de ce qui se joue, il abandonne ici la peur d’un moniteur de ski qui l’a bloqué dans son apprentissage, là, la crispation de devoir écrire vite, ailleurs, la croyance d’avoir dû se taire, ailleurs encore, sa crainte exagérée de la mort. Parfois, le lien entre la tension et l’histoire monte à la conscience du receveur. C’est alors que l’émotion d’abord floue et envahissante se pose sur des souvenirs, se précise pour se distancier et libérer plus complètement le mouvement, désinscrivant les traces de l’événement sur les tissus.

C’était le cas, par exemple, pour cet homme d’une trentaine d’année dont le bras droit n’atteignait jamais la souplesse du bras gauche. Lorsqu’il a pris conscience que cette tension permanente continuait à le protéger des coups de son père qu’il ne recevait plus depuis vingt ans, il a pu lâcher son bras comme jamais. Mesurant l’obsolescence de ce système de protection, mais comprenant l’utilité qu’il a eu jadis, il peut lui rendre grâce et s’en défaire. L’expression de l’émotion aide à faire le deuil de ce handicap qui l’a accompagné si longtemps, comme un ami fidèle mais encombrant. Comment lâcher cette caractéristique de Soi, si ancrée dans le corps qu’elle fait partie de l’identité ? L’extase du relâchement expérimenté dans la relaxation coréenne donne un échantillon de ce qu’il est possible de vivre, une nouvelle référence de ressenti corporel que le corps enregistre, et sur laquelle il se fondra à l’avenir.

Parfois, des émotions archaïques surgissent à l’occasion de ces prises de conscience. Certaines, plus identifiables (la peur, la colère, le désespoir…), se manifestent par des suées, des vomissements, des sanglots… Paradoxalement, c’est la douceur de la technique qui la rend douloureuse. Elle laisse le temps de prendre conscience, elle confronte à l’étendue de ce que l’on s’impose, comme si l’on éclairait peu à peu les murs de la prison qu’on s’est construite.

Jusqu’où aller dans l’émotion : accueillir ou éviter.

Si la personne qui reçoit est déjà très « fluide », par la qualité du travail qu’elle a fait sur elle-même (aspect psycho-émotionnel) et par sa souplesse et sa mobilité (aspect physique), elle n’aura pas de mal à se laisser glisser dans l’émotion car elle saura en jouir. Vivre l’émotion, lorsque celle-ci est fluide, c’est le plaisir même d’exister.

Si la personne est en souffrance, il en est autrement car l’émotion, au lieu de couler, stagne. Elle se bloque, en général là où les tissus sont les moins souples. Elle butte sur des os durs, des muscles bétonnés, des fascias sans souplesse qui ne répercutent plus l’onde émotionnelle. L’intensité de la charge émotionnelle n’est pas répartie dans l’ensemble du corps, elle ne peut non plus s’extérioriser facilement. Elle peut devenir insupportable. Mais c’est aussi cet insupportable qui va être le moteur du changement.

Comme praticien, il y a deux attitudes adoptables par rapport à la montée émotionnelle. Elles sont toutes les deux justes, mais opposées. La première consiste à « calmer le jeu » dès les premières manifestations émotionnelles. La seconde accompagne la personne jusqu’au bout de ce qu’elle a à vivre. Ce qui serait le moins juste, c’est la position intermédiaire, lorsque le praticien laisse prendre un feu qu’il ne sait ni éteindre, ni guider vers sa résolution.

Dans la première démarche, on fait confiance à la pratique corporelle. Elle est suffisante, en elle-même, pour apporter de petites résolutions. Et l’on sait que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Le travail s’effectue de façon très subtile, dans le respect absolu des résistances du receveur. Lorsque le praticien sent un blocage, il constate simplement la limite, puis il recule. Avec le temps, à l’occasion d’une nouvelle séance, il perçoit souvent une amélioration, sans avoir eu à intervenir davantage : c’est la structure du receveur qui s’est adaptée, guidée par l’intelligence du corps et sa capacité à s’auto-guérir.

Dans la seconde démarche, on cherche plus la révolution que la réforme. Le praticien se sent plus maçon qu’horloger. Il doit avoir les compétences d’un psychothérapeute puisqu’on entre dans la dimension somatothérapeutique du travail corporel.

Le respect de la résistance n’est plus « géographique ». Il est dans la reconnaissance de son utilité passée. Mais il s’accompagne d’un questionnement sur sa pertinence présente. Le message implicite dans le geste du somatothérapeute est de cet ordre : « D’accord, à un moment de ta vie, il a été vital pour toi de mettre en place ce système de protection. Mieux : c’est sans doute le meilleur que tu avais à ta disposition. Aujourd’hui, avec tes nouvelles ressources, n’est-il pas possible de l’abandonner ? Ecoute comme il te pèse, fais le bilan et vois s’il n’est pas temps de le lâcher ». Sans brutaliser à outrance cette résistance, on la taquine pour voir comment elle réagit. Souvent, elle commence par se renforcer physiquement, devenant aussi plus douloureuse (phase de colère). Son utilité, au regard de l’énergie croissante qu’elle consomme apparaît alors de moins en moins évidente. Elle ne tient plus que par l’envie de ne pas lâcher. Puis elle lâche (phase de tristesse) dans une grande libération.

Le choix de la première attitude ou de la seconde doit être clair. Il est porté par le cadre dans lequel on se place. Le cadre doit être explicitement posé lors des premiers entretiens avec le patient. Le praticien en est le garant et le protecteur. Au besoin, il le rappelle en cours de travail, soit par ses mots, soit par son positionnement corporel. Il évite de se laisser piéger par la relation, en s’efforçant d’être conscient des transferts et contre-transferts qui se jouent. Cette capacité s’exerce notamment en supervision.

 

Manuel GASTAMBIDE
Directeur de l’Ecole du massage intuitif

 

La respiration

La bonne respiration, au départ, est instinctive et automatique. Il suffit d’observer un bébé respirer pour s’en convaincre. Mais elle est déviée de son idéal au fur et à mesure que le sujet se construit.
Les traumatismes, petits et grands, s’inscrivent inconsciemment dans la structure de la respiration, comme dans celle du corps. Ils y laissent des traces qui perturbent le schéma respiratoire par l’installation de tensions, fragilisant du même coup la personne pour ses défis à venir.
La prise de conscience de ces retenues respiratoires, au niveau physique, peut renvoyer aux causes psycho-émotionnelles du blocage. Dès lors, le sujet peut dépasser ces tensions et retrouver une respiration libre et fluide, fonctionnelle et économique.

/ La respiration fonctionnelle et économique.

Lorsqu’on évoque la respiration, on pense aux poumons. Or, si dans son aspect chimique d’échange gazeux, la respiration concerne effectivement la zone pulmonaire, sur le plan mécanique, elle mobilise le tronc dans son ensemble, de l’occiput au périnée, dans une synergie musculaire complexe.

Le diaphragme est un muscle clé de la respiration.

Divisant le tronc en deux à la hauteur des côtes inférieures, c’est un des muscles les plus puissants du corps. Il limite par le bas le volume pulmonaire et par le haut, le volume abdominal. Le mouvement du diaphragme est comparable à celui d’une coupole qui élève et abaisse le sommet de son dôme, en s’appuyant sur trois piliers : la colonne vertébrale, les côtes et le sternum.

Dans le temps de l’inspiration, le diaphragme est actif. Il se contracte et le sommet de sa coupole descend. Cela entraîne :

  • pour la poitrine, une augmentation du volume thoracique par le bas, créant une dépression qui provoque l’entrée de l’air dans les poumons.
  • pour l’abdomen, un appui sur le volume (incompressible) abdominal qui, en se déformant, va gonfler le ventre et, dans une moindre mesure, le diaphragme pelvien et le bas du dos au niveau du carré des lombes.

Le volume abdominal doit être complètement libre et détendu. Réciproquement, toute tension abdominale chronique empêche ou réduit la respiration physiologiquement normale. Et toute tension passagère la réduit momentanément.

Dans le temps de l’expiration, le diaphragme est passif. Son dôme remonte sous l’effet de l’élasticité des poumons et de l’action des muscles du ventre. Cela entraîne :

  • pour le thorax, une réduction du volume thoracique et une expulsion de l’air vicié hors des poumons.
  • pour l’abdomen, un travail synergique de tous les muscles qui forment la surface du ballon abdominal à l’exception du diaphragme.

Cette alternance rythmée est le mécanisme fondamental de la respiration. Tout obstacle à sa liberté est lié à des troubles physiologiques ou psychologiques. Ce mouvement entraîne toute la masse abdominale dans un flux et un reflux continuel, une succession de contractions et de relâchements. Ce brassage facilite et régularise les fonctions de digestions, d’assimilation et d’élimination. Le mécanisme de la respiration a donc un rôle non négligeable dans le fonctionnement du système digestif. Beaucoup de troubles de l’estomac ou des intestins sont en relation avec un mécanisme respiratoire bloqué ou insuffisant.

Le mouvement des cotes prolonge la respiration diaphragmatique.

Les cotes sont animées d’un mouvement coordonné à celui du diaphragme et qui contribue secondairement à l’augmentation du volume thoracique. Ce mouvement est réduit dans la respiration de repos mais devient plus ample quand un effort musculaire intense demande un approfondissement de la respiration. Et l’on retrouvera ici la même logique qui veut que des tensions musculaires peuvent tenir un rôle néfaste dans la respiration complète, en gênant ou en bloquant le mouvement des cotes.

Description de la respiration complète.

Nous pouvons considérer la respiration complète comme le résultat de l’alternance musculaire suivante :

  • Dans l’inspiration, tension active du diaphragme et détente des muscles abdominaux et pelviens. Dans la continuité de ce mouvement, les muscles pectoraux et dorsaux vont ouvrir la cage thoracique, d’abord latéralement, puis vers le haut.
  • Dans l’expiration, relâchement des élévateurs des côtes, tension active des muscles abdominaux et pelviens, repoussant vers le haut le diaphragme détendu. Puis, si l’expiration est forcée, contraction des muscles abaisseurs des côtes pour réduire encore le volume thoracique.

Ce mouvement respiratoire trouve son maximum d’efficacité lorsque l’axe du corps est stable et en extension. Il doit se faire en prenant appui sur la colonne vertébrale, et non sur le sternum comme cela arrive parfois. La fixation équilibrée de la colonne dorsale donne les points fixes à partir desquels les muscles respiratoires peuvent agir. Réciproquement, une respiration normale et complète est impossible dans un corps dont l’axe est chroniquement déformé.

Nous voyons de nouveau apparaître l’unité des diverses fonctions de l’organisme et nous comprenons que l’amélioration d’un problème respiratoire, avec ses incidences psychologiques, doit souvent commencer par une libération des tensions vertébrales.

/ Les blocages respiratoires

Peu d’adultes occidentaux, aujourd’hui, ont une respiration optimale. L’excès de stress en est parfois la cause mais la plupart des blocages remontent à des « blessures » non résolues dans la construction de la personne.

Les relations profondes unissant la vie émotionnelle et la respiration font que les problèmes affectifs liés au développement de l’enfant et de l’adolescent s’expriment dans des attitudes corporelles et respiratoires correspondant aux attitudes psychologiques de défense. Ces attitudes justifiées par les circonstances à un certain moment de la croissance personnelle risquent de se cristalliser et de devenir chroniques, alors même que les circonstances qui les justifiaient à l’origine ont disparu. Le résultat, chez l’adulte : un blocage dans le développement personnel sur le plan psycho-émotionnel et, sur le plan physique, la stagnation dans des attitudes corporelles qui en sont l’expression inconsciente.

Jacques Dropsy, dont les travaux inspirent une partie de cet article, donne un exemple aussi caricatural qu’explicite de ces blocages qui remontent à l’enfance : « La peur de son père, ou la peur plus générale d’être frappé peut avoir à un certain moment de l’enfance entraîné naturellement l’habitude de retenir son souffle à la fois sous l’effet de la crainte et par désir de passer inaperçu. Cette attitude peut devenir un réflexe automatique. Devenu adulte l’enfant gardera alors la crainte profonde des autres et spécialement des « autorités », tout comme il conservera l’habitude de retenir son souffle à tout propos […] Tout ce processus se déroule sans l’intervention de la volonté consciente […] Plus tard l’adulte aura seulement la conscience vague que quelque chose ne va pas, que, psychologiquement autant que physiquement, « il étouffe » dans la vie. C’est seulement s’il arrive, avec l’aide d’un spécialiste, à prendre conscience de ses attitudes inconscientes, qu’il pourra entamer un travail pour s’en libérer« .

L’histoire de vie de chacun s’inscrit dans sa structure. Le corps est marqué par l’histoire sociale de la personne, façonné par le métier qu’il a exercé, par le sport qu’il a pratiqué… C’est avec ce corps, structuré d’une façon qui lui est propre et qui fait son unicité, que l’individu va agir dans toutes les situations de sa vie.

Le travail de libération des tensions profondes et anciennes, en massage comme en somatothérapie, fait parfois remonter des réactions émotionnelles liées à ces tensions non résolues. C’est précisément la révélation de ces émotions enfouies (colère, peur, tristesse, sentiment d’abandon, etc.) qui va permettre aux tensions de relâcher leur contrainte. C’est une véritable libération pour la personne qui effectue ce travail. Nous y reviendrons.

/ La respiration et l’acidité du sang.

Le pH normal du sang humain se situe à 7,35 ; c’est à dire très légèrement alcalin (la neutralité est à 7). Son amplitude de variation est relativement faible : de 7,28 à 7,42. Lorsque ce pH est à sa normalité, l’hypothalamus (dont le rôle est important dans la régulation émotionnelle) est approvisionné par un sang qui favorise ses possibilités normales de réaction. Il engendrera une décharge immédiate consécutive à la charge d’une émotion. Cette réponse appropriée de l’évacuation émotionnelle se déroule dans un temps raisonnable.

Lorsque le pH glisse de 7,35 vers 7,28, le sang devient légèrement moins alcalin que la normale. Dans ce cas, le sang inhibe les réactions hypothalamiques et les décharges émotionnelles s’effectuent plus lentement, jusqu’au blocage.

En situation inverse, le sang devient plus alcalin et l’activité hypothalamique est suractivée. Il se produit alors des déblocages émotionnels accentués.

Ainsi, le pH sanguin apparaît-il comme un régulateur de la vie émotionnelle. Or, si l’alimentation détermine en partie ce taux d’alcalinité, l’oxygénation l’influence elle-aussi.

Lors d’un effort physique, l’organisme se met en dette d’oxygène, état qui se traduit par une diminution du pH sanguin, du fait de la création en abondance de l’acide carbonique cellulaire. Cette minoration du pH sanguin déclenche des ordres hypothalamiques qui vont, en dehors de toute décision consciente, amplifier notre respiration. C’est par ce biais qu’une activité physique intense déclenche une respiration plus intense.

Les tensions musculaires sont elles-aussi liées au pH sanguin. Elles apparaissent au fur et à mesure que le sang tend vers l’acidité. L’excès d’acide lactique dû à un effort prolongé va entraîner des crampes musculaires.

De la même manière, au quotidien, une mauvaise oxygénation, conséquente à une respiration insuffisante, engendre des tensions musculaires. Ces tensions peuvent contribuer aux douleurs de toutes sortes, en contraignant les mouvements, en écrasant les vertèbres et les articulations, en provoquant des spasmes, etc.

On comprend qu’une respiration normale et complète, en plus de favoriser la digestion et l’élimination, régule l’ensemble du tonus musculaire qui influence, à son tour, l’attitude corporelle et donc, notre confiance, notre voix, notre capacité d’action… et bien d’autres choses encore.

/ La libération de la respiration.

Libérer sa respiration n’est pas chose aisée. Il faut pour cela pouvoir ne rien faire, ne rien perturber, et laisser ainsi son corps accéder à la respiration instinctive qu’il garde toujours en mémoire.

Ce lâcher-prise n’est pas facile puisqu’il va confronter la personne à l’inutilité de tensions qu’elle a pourtant maintenues au prix d’une dépense d’énergie coûteuse et d’un désagrément. Il conduit bien souvent à se rendre compte que l’on s’inflige, parfois jusqu’à « s’emprisonner » dans une cuirasse, des tensions qui n’ont plus de raison d’être.

En massage somatothérapeutique, c’est l’attitude du praticien, plus encore que la technique employée, qui peut ou non permettre de relaxer les muscles. Une relation de confiance doit s’instaurer peu à peu, garantie par un cadre thérapeutique précis et clair. La personne massée doit se sentir autorisée à lâcher prise et à ressentir, vivre et exprimer, le cas échéant, les émotions archaïques que les tensions travaillées retenaient.

Certaines techniques (le rebirth, la respiration holotropique…) utilisent la respiration pour déclencher un travail thérapeutique de libération. On a vu, plus haut, que l’alcalinisation du sang provoquée par une suroxygénation favorisait le fonctionnement de l’hypothalamus et le déblocage de charges émotionnelles. Dans ces techniques, on propose à la personne de lancer le travail par une respiration continue, haute et rapide, en forçant l’inspiration et en relâchant complètement sur l’expiration, sans pause ni rétention. L’hyperventilation va permettre de pointer des tensions pour ensuite les comprendre et les dépasser. Si le cadre le permet, elle peut aussi déboucher sur des phases de conscience modifiée (transes) au cours desquelles la personne va revivre des séquences de vie non résolues, réabordant des traumatismes anciens, munie de ses ressources d’aujourd’hui, pour les comprendre autrement. Ces pratiques étant assez « remuantes », il est impératif que le thérapeute qui accompagne soit solide et compétent.

La pratique du yoga, du taï chi chuan, du qi gong renvoie à la conception asiatique qui considère la respiration comme une prise d’énergie vitale : le prana en Inde, le tchi en Chine, le ki au Japon. Dans la pratique des arts martiaux, on reconnaît l’importance fondamentale de la respiration, alors qu’on la néglige trop souvent dans les sports d’origine occidentale où, culturellement, on privilégie l’aspect musculaire de la force vitale.

En sophrologie et en relaxation, la libération de la respiration est une étape importante du travail. L’état de relaxation éveil les sens kinesthésique et proprioceptif qui permettront de sentir le mouvement de la respiration et, avec la pratique, d’identifier les tensions qui entravent le processus. Une fois ces tensions repérées, elles peuvent être relaxées. Peu à peu, la respiration retrouve sa souplesse, son amplitude, sa liberté et sa régularité, sans que le mouvement ne soit forcé.

Un pratiquant régulier renforce nettement sa conscience du corps. Ainsi, il perçoit plus vite l’effet que les événements ou les personnes produisent sur lui. Plutôt que de refouler l’émotion vécue dont il n’aurait pas pris conscience, il sera davantage capable de l’identifier, de s’en nourrir, ou de la rejeter en exprimant son désaccord, en se positionnant et en précisant son désir.

S’il faut respirer pour vivre, on peut ajouter qu’il est bon de bien respirer pour bien vivre. On a vu que la respiration influençait plusieurs champs. Elle conditionne directement la digestion, l’élimination, l’équilibre physique, l’équilibre psychique, la sensibilité émotionnelle. Elle influence notre structure corporelle, avec laquelle nous accueillons la vie et les autres. Il ne sert à rien de vouloir bien respirer à tout prix : ce n’est pas par la volonté que nous reconstruisons notre structure, c’est par la place que nous réattribuons à notre propre corps. Le corps sait comment respirer. Il sait déconstruire les remparts de tensions que nous nous sommes bâtis, si nous lui en donnons l’occasion en comprenant pourquoi il a dû, un jour, se crisper pour se protéger, et en l’accompagnant dans le lâcher-prise.

 

Manuel GASTAMBIDE
Directeur de l’Ecole du massage intuitif

 

Le massage, profondément efficace contre certaines douleurs chroniques

Ce qu’intuitivement nous pressentons des effets bénéfiques des massages est mis en évidence par une étude statistique.

etude internal medecineSelon une étude publiée le 5 juillet dans la revue Annals of Internal Medicine, dix semaines de massages seraient plus efficaces contre les problèmes de dos qu’un traitement médicamenteux et auraient des effets plus durables.

Le Group Health Research Institute a examiné les effets de différentes pratiques, comme le massage suédois, ainsi que des techniques structurelles pratiquées par des professionnels, sur 400 patients de 20 à 65 ans, souffrant de douleurs chroniques.

Au bout des dix semaines de traitement, 40% des patients déclaraient que les douleurs avaient totalement disparu, contre 4% des patients du groupe traité par des médecins à l’aide de substances médicamenteuses.

Dans une étude antérieure, publiée dans la même revue en 2008, le National Institute of Health suggérait que la thérapie par le massage avait des effets bénéfiques sur les personnes souffrant de cancer avancé.

Le traumatisme vicariant et la fatigue de compassion

Au service du bien-être des autres, le praticien en techniques de relaxation doit être attentif aux émotions qui sont déposées en sa présence.

/ Prends soin de toi

Le traumatisme vicariant résulte d’une surcharge émotionnelle. En choisissant par exemple de vous engager auprès de personnes en détresse (malades, blessés, laissés pour compte, etc.), vous vous confrontez à des situations qui vous feront éprouver des émotions intenses. Ces confrontations avec la souffrance d’autrui peuvent être à l’origine d’une souffrance psychologique plus ou moins importante et plus ou moins tardive appelée traumatisation secondaire ou traumatisme vicariant.

Les effets de la traumatisation vicariante se cumulent avec le temps et peuvent conduire à l’état de fatigue de compassion.

La traumatisation vicariante et la fatigue de compassion ont pour effet majeur une modification de la vision de soi et du monde (perte du sentiment de sécurité et de confiance, perte de la capacité à être en connexion avec les autres, désespoir, ressentiment, cynisme, désillusion, perte de l’estime de soi, négativité au travail, tendance au blâme, identification à la victime).

Le massage réduirait la dépression

Les massages légers offriraient un traitement complémentaire intéressant pour contrer la dépression chez les personnes atteintes de divers troubles psychiatriques, d’après une étude allemande¹.

Dans le passé, plusieurs chercheurs se sont intéressés à l’effet du massage sur la dépression, avec des résultats positifs. Cette récente étude se distingue des précédentes du fait qu’elle a été menée auprès de personnes ayant reçu un diagnostic de trouble psychiatrique.

Les chercheurs ont recruté 32 personnes en dépression aiguë (24 femmes et 8 hommes) dans le département de psychiatrie d’un hôpital universitaire de Berlin. Leur âge moyen était de 48 ans. Les participants ont été répartis en deux groupes : un groupe « massages légers », et un groupe témoin ayant bénéficié des séances de relaxation, mais sans toucher. Les séances, au nombre de cinq, duraient environ 60 minutes et avaient lieu tous les deux à trois jours. Tous les participants ont continué à prendre leurs médicaments antidépresseurs.

En comparant l’avant et l’après, les chercheurs ont noté une nette amélioration des symptômes de dépression (humeur, motivation, pensées, etc.) et du bien-être physique chez tous les participants. Cependant, ceux du groupe « massages légers » ont bénéficié d’une amélioration supérieure à ceux du groupe témoin sur quatre plans : la tension psychologique, l’agitation, l’humeur et les tensions au cou et aux épaules.

Ce type de massage se pratique avec des mouvements lents des mains et une pression légère, semblables à des caresses. Les chercheurs ont voulu cibler la peau plutôt que les muscles ou les tissus conjonctifs, car la peau est intimement liée à l’identité. Ainsi, ce type de toucher transmet un message positif à la personne.

Comme le soulignait Dr Edzard Ernst2, titulaire d’une Chaire en médecine complémentaire au Royaume-Uni, les massages légers offrent un traitement adjuvant sans risque. De plus, ils possèdent l’avantage de pouvoir être pratiqués par des proches ou encore par le personnel hospitalier.

 


1. Muller-Oerlinghausen B, Berg C, Scherer P, et al. [Effects of slow-stroke massage as complementary treatment of depressed hospitalized patients]. [Article en allemand, résumé en anglais]. Dtsch Med Wochenschr. 2004 Jun 11;129(24):1363-8.
2. Summaries/Commentaries, E Ernst. Massage elevates mood in depressed patients.
Focus Altern Complement Ther.