Histoire de l’Ecole du Massage Intuitif
Il est bon de savoir comment naissent les idées, puis comment elles prennent corps, et pourquoi elles s'enracinent dans le paysage d'une société. L'histoire de la formation au massage intuitif commence au début du troisième millénaire...
C’est en juillet 2002 que se réunit la première session de formation de ce qui deviendra l’Ecole du massage intuitif. Elle est co-animée à Sormery (Yonne) par deux praticiens en massage, de personnalité très différente. D’un coté, Myriam THIERRY, Thérapeute psycho-corporelle en Normandie, de l’autre, Manuel GASTAMBIDE, sophrologue du sport et somatothérapeute à Lille.
Cet embryon de formation n’est pas leur première expérience de co-animation. De février 2000 à Mai 2003, ils interviennent régulièrement, avec Vincent MALLET, à l’Ecole Centrale de Paris pour former les centraliens à la gestion du stress et aux techniques de relaxation dans le cadre de leur option « sciences humaines ».
La période hédoniste, en quête de sensorialité.
Leur association offre une complémentarité fructueuse. Myriam THIERRY, thérapeute transpersonnelle, est capable d’emmener les stagiaires très loin dans leur développement personnel. Manuel GASTAMBIDE se montre plus rationnel et rassure par sa capacité à expliquer la démarche. Il travaille essentiellement sur la structure de la formation pour qu’elle conduise les stagiaires à trouver leur façon de masser et révéler naturellement leurs capacités, tandis que sa collègue apporte l’essentiel des premières techniques.
A deux, ils vont former quatre sessions de stagiaires, en Bourgogne et en Normandie, au massage évolutif (M. THIERRY) et au massage somatothérapeutique (M. GASTAMBIDE) avant de mettre fin à leur collaboration.
Après la naissance de son premier enfant, Manuel GASTAMBIDE relance la formation seul, en 2005, en conservant l’esprit et l’éthique qu’il a insufflé à la formule précédente, mais en embrayant résolument sur le crédo pédagogique : partir des capacités des stagiaires, plutôt qu’imposer une vision. Ainsi, le masseur débutant est amené à trouver ses propres solutions aux problèmes qu’il rencontre, car « le massage est une relation intime, et la manière de masser est trop personnelle pour être formatée par un autre. Notre histoire avec le toucher et notre expérience de vie façonnent notre geste et l’intention que nous y mettons. Cet élan doit être absolument respecté chez les stagiaires. La richesse intérieure des masseurs fait la richesse du massage, et non l’inverse« . De cette vision renait une pédagogie déroutante qui évite les démonstrations, jusqu’à les bannir, au profit des gestes spontanés apportés au groupe par chaque participant. Une méthode d’apprentissage dans laquelle la dynamique du groupe est fondamentale et spécifiquement travaillée.
En 2006, trois formateurs et masseurs rejoignent la structure. Sook PASQUIER, spécialiste de la relaxation coréenne, elle aussi intéressée par le lien entre la psychologie et le corporel. Nathalie VIALLET, formée au massage chinois, énergie et compétence qui manquaient à la formation pré-existente. Claude PARISOT, professeur d’E.P.S. et relaxologue. Tous trois sont passés, entre autres formations, par l’école qu’ils rejoignent.
La période eudémoniste, en quête de sens.
L’équipe travaille à une nouvelle structure pédagogique qui respecterait davantage la complexité du massage en tant qu’art et relation. Alors que la première logique était binaire (holistique/séquentielle) et collait à la distinction californien/suédois, la nouvelle approche est transversale aux différents massages enseignés.
Un module explore donc la dimension physique des massages, c’est à dire l’aspect le plus concret, le plus palpable, le plus anatomique, et ce qu’il apporte en terme de confiance, d’enracinement, de conscience du schéma corporel.
Le deuxième module explore l’aspect perceptif du massage. Sans finesse ni tact, le masseur est sourd et aveugle, incapable de bien lire le corps et le besoin de l’autre, et se trouverait comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Le troisième permet de faire l’expérience du lien entre émotion et massage, en s’appuyant sur les principes de la somatothérapie appliqués au toucher. C’est l’apport de départ de Manuel Gastambide qui se concrétise dans un module à part, repris plus tard intégralement par Sook Pasquier.
Ce trépied pédagogique perdurera 14 ans, jusqu’à l’éclatement de 2021 sur lequel nous reviendrons plus bas.
Un module supplémentaire (techniques de relaxation) apparait en marge de la formation pour vivre l’induction de la détente par d’autres moyens que le massage, dans l’objectif de mieux comprendre encore les effets qu’il a sur le corps.
Cette logique transversale est mise en place à partir de janvier 2008, après l’arrivée dans l’équipe de Bénédicte BALLEREAU, elle aussi masseuse, formée à l’analyse transactionnelle. Bénédicte, très habituée à travailler avec le personnel hospitalier sur la question du toucher et du contact, n’enseignera que deux années à l’Ecole du massage intuitif.
Sur ce socle de l’Ecole du massage intuitif, Manuel GASTAMBIDE développe alors un cycle II, à l’attention des masseurs professionnels en exercice, pour leur proposer, à l’instar des psychothérapeutes et de leur obligation déontologique de supervision, un module d’analyse de pratique leur permettant de travailler les transferts et contre-transferts en oeuvre dans leurs relations avec leur patientèle ou clientèle régulière.
En 2010, l’administration du travail et de la formation professionnelle déclenche un contrôle complet de l’activité de formation professionnelle de l’Ecole du massage intuitif. 54% des stagiaires des sessions de 2009 ont alors un numéro de siret et sont installés professionnellement comme Praticiens en massage de bien-être. Le combat est rude et répond à une demande du gouvernement d’exclure du champs de la formation professionnelle les activités « qui ne correspondent pas à de vrais métiers ». C’est dire si la pratique professionnelle du massage en France est encore loin de s’imposer comme une évidence ou un fait de société, bien que le besoin de bienveillance soit immense. L’activité de formation professionnelle est finalement reconnue par l’administration. Ce contrôle a été l’occasion pour l’organisme de formation de clarifier les quelques ambiguïtés qui demeuraient et débouche sur une transmission plus étoffée des objectifs pédagogiques, des capacités attendues des stagiaires et de leurs pré-requis. La structure change de statut pour devenir une S.A.R.L. dénommée Ecole du Massage Psycho-Somato-Intuitif (EMPSI Formation).
En 2011, Benoît GOSSAY, masseur kinésithérapeute, rejoint l’équipe des formateurs. Il travaille sur la question du bien-être viscéral et de ses effets déstressants. Il étoffe la dimension physique de la formation par son approche « musclée » du bien-être, puis par une démystification de la connaissance anatomique, pour amener chacun à se réapproprier la connaissance de son corps.
A partir de 2012, l’Ecole du massage intuitif rejoint la Fédération Française de Massage Bien-Etre. Manuel GASTAMBIDE est élu administrateur de la FFMBE en septembre 2013 pour y conduire un projet de colloque, regroupant et promouvant les discours sur le massage et le bien-être (in « La Massagère, n°14 », p.16). Avec son arrivée au Conseil d’Administration, la question de l’importance du travail sur la relation entre praticien et receveur du massage bien-être prend de l’ampleur au sein de la FFMBE.
La tenue du premier colloque professionnel du massage bien-être sera un moment marquant de la profession. Regroupant, pour la dernière fois, plusieurs pionniers du métier de masseur en France : Jean-Louis Abrassart, Claude Camilli, Ulla Bandelow, Joël Savatofski, Christian Hiéronimus, et de nombreux praticiens des générations suivantes, il opère une sorte de jonction historique entre les premiers et ceux qui prennent le relais, animant les participants d’une émotion sincère. Le colloque fait une place importante à d’autres disciplines qui éclairent la pratique du massage répondant au voeu de Manuel Gastambide d’une rencontre éclectique. Pour la Gestalt, Marie-José de Aguilar ; pour l’entreprise, Eric Monnoyer ; pour le cinéma, Thierry Cormier ; pour le spectacle et la psychiâtrie, Aboudé Adhami ; au total plus de 20 intervenants précieux, pour 200 participants. Voir le programme du colloque.
Pendant ce temps, l’Ecole du massage intuitif, qui a ouvert une antenne supplémentaire près de Nantes, développe davantage son cycle II, intitulé « Savoir accompagner ». David COUECOU, praticien en massage bien-être et art-thérapeute rejoint l’équipe pour enrichir ce thème crucial des modalités d’accompagnement des personnes qui viennent dans nos cabinets et ateliers pour se détendre, certes, mais aussi pour comprendre leur relation au corps, leur relation aux plaisirs, leur relation aux stress et leur sensorialité. Donner des outils aux futurs praticiens pour savoir accueillir les émotions exprimées par les clients, et savoir accompagner leur envie de s’épanouir sans imposer un point de vue extérieur, est bienvenu pour professionnaliser davantage encore le parcours des stagiaires. Au total, entre le cycle I et le cycle II, il est proposé en 2014 plus de 350 heures de formation, auxquelles s’ajoutent les analyses de pratique.
La période argentine, en quête d’une nouvelle corporalité.
En quête de nourriture corporelle et intellectuelle, EMPSI Formation décide de mener un projet d’exploration en Amérique du sud, dans le but d’y nouer des partenariats avec différentes écoles de massage, de gestalt, de psychogénéalogie, de chamanisme et d’aromathérapie. La culture argentine conjugue une longue histoire psychanalytique, une tradition ancestrale en lien avec la Pacha Mama, et une façon de vivre le corps bien différente de celle qui prévaut en France. Les premiers liens sont noués en 2016 à Buenos Aires, année pendant laquelle Manuel Gastambide intervient dans différents projets et rencontre plusieurs approches du massage et de l’accompagnement. Plus que dans les techniques, c’est dans la façon de vivre le corps que l’école puisera une part de son inspiration.
Parallèlement, l’Ecole du Massage Intuitif prend d’avantage de corps et d’envergure. Sur la période, elle recrute Delphine Henry (relaxation, yoga, méditation de pleine conscience), Caroline Maisonneuve, Bérengère Simoens, Yannick Poilsdessous, et lâche les freins qui retenaient son développement. En septembre 2017, elle ouvre une session à Lille et le 2 octobre 2019, elle monte ses tables de massage à Paris, rue Labat, dans le 18ème arrondissement.
C’est aussi à ce moment qu’Estelle Thiébaut rejoint l’équipe administrative comme salariée. L’EMPSI intègre le réseau « A fleur de peau » et sa certification inscrite au Registre National de la Certification Professionnelle. Depuis le résultat du contrôle de l’administration de la formation professionnelle et ses conclusions définitives en mars 2011, la vision professionnalisante de la formation n’a cessé d’évoluer. Le grand challenge que relève l’Ecole du Massage Intuitif dans cette période est de rendre compatible, sans les dénaturer, une vision originale du massage et de sa technique, une approche avant-gardiste de la pédagogie qui continue de surprendre les stagiaires, et les exigences posées par la formation professionnelle en matière d’évaluation et d’ingénierie de formation. Au sein de l’équipe historique, c’est Nathalie Viallet qui contribue le plus à cette gymnastique pédagogique, pour la rendre efficiente sans perdre ce qui fait la force, l’originalité et l’intérêt de l’approche de l’école depuis le début de sa maturité.
Big bang et reconstruction d’un nouvel univers.
Cette période, plus professionnalisante que jamais dans l’histoire de l’Ecole du Massage Intuitif, se fracasse le 18 mai 2020. En pleine période de pandémie au coronavirus, au sortir du confinement généralisé, alors que l’embrassade est encore proscrite et la distanciation physique obligatoire, EMPSI Formation sort du réseau RNCP « A fleur de peau ». La branche de l’esthétique y a pris le pouvoir. Dire que le massage est un outil d’accompagnement, qu’il joue un rôle dans le retour à l’équilibre psychique des personnes qui le reçoivent est devenu un gros mot. Il faudrait faire du massage en n’étant rien, ne revendiquer aucune valeur humaniste, se fondre dans le conformisme de la consommation des soins esthétiques et dans la vente de produits. L’EMPSI refuse cette compromission qui voudrait que le massage soit un service commercial et rien d’autre. Les stagiaires de l’école sont abasourdis. L’équipe est assommée. La salariée licenciée. Economiquement, il faudra gérer une réduction de chiffre d’affaire de… 90% ! entre 2021 (les sessions en cours sont poursuivies jusque décembre) et 2022. Cependant, un espoir naît : celui de pouvoir à nouveau courir sans laisse !
Gambader librement dans les prés ! voilà qui redonne l’envie de construire pour que soit reconnues les dimensions intuitive, humaniste et néoreichienne du massage. C’est un peu l’esprit d’Esalen qui souffle sur les braises de l’Ecole du Massage Intuitif. Un esprit de renouveau directement revenu de la source : les années 1970, le berceau de la psychologie humaniste, de la gestalt et du massage californien. Une époque où l’on faisait exploser les contraintes pour découvrir sous sa cuirasse, la douceur de la nature humaine. Michael Murphy, l’un des fondateurs de l’institut Esalen l’imaginait capable de « promouvoir un développement harmonieux et global de la personne. Un organisme d’apprentissage qui explore le potentiel humain, et résiste aux religions, aux sciences et autres dogmes« . Or le problème du massage professionnel en France au début des années 2020 est sans doute son excès de puritanisme.
Afin de se sentir libre de réécrire une page de l’histoire du massage humaniste, l’Ecole du Massage Intuitif se dédouble. Une partie de l’équipe, attachée à la formation professionnelle et prête à en assumer les contraintes réglementaires, crée l’organisme de formation F2M Massage & Mouvement, dédié à la formation professionnelle initiale (enregistré en novembre 2020). Une autre partie, avec quelques intersections, crée Ecouter son élan, un regroupement qui explore les différentes dimensions du massage et de l’accompagnement. Finalement, seul Ecouter son élan restera dans le giron de l’Ecole du Massage Intuitif. Trois personnes de l’ancienne équipe le font vivre : Benoît Gossay, Bérengère Simoens et Manuel Gastambide.
A cette époque (2021-2022), l’EMPSI s’intéresse à deux axes :
1- Le toucher intuitif formalisé par Benoît Gossay, à partir de sa grande expérience de soignant en cabinet de kinésithérapeute. Outre sa pratique, Benoît est un chercheur invétéré. Il avait très tôt évoqué à l’EMPSI la question du ventre comme deuxième cerveau, et cela bien avant que ce thème devienne à la mode (lire l’article publié en décembre 2015). Dans cette nouvelle réflexion du groupe Ecouter son élan, il amène énormément de compétences sur les questions de l’anatomie et du toucher : lorsque le mouvement du massage s’arrête et que la main perçoit les mouvements intérieurs au corps, ceux explorés par l’ostéopathie. Il apporte, entre autre, la lecture des restrictions de conscience de Pierre Tricot ; l’équipe pédagogique restreinte se forme aussi à la résilience tissulaire, avec Patrick Ghossoub. Benoît rêve de transformer l’Ecole du Massage Intuitif en Ecole du Toucher Intuitif. Il n’y a d’ailleurs plus de formation initiale. La formation s’adresse à des masseurs en exercice, à l’exclusion des débutants renvoyés vers F2M, ou d’autres organismes de formation dont l’approche est compatible avec l’esprit du massage humaniste.
2 – L’accompagnement par le massage, poursuivi et augmenté par rapport au cursus originel. Avec de plus en plus de notions de somatothérapie apportées aux stagiaires, l’EMPSI développe enfin un cycle de développement personnel permettant aux praticiens de travailler sur eux avec le massage. Rendu possible par une liberté retrouvée en quittant la logique de la formation professionnelle et ses contraintes administratives, une thérapie didactique est mise en place : l’atelier « Exercer son talent d’accompagnant » montre aux professionnels du massage comment la continuité du lien avec leurs clients peut être féconde en termes d’évolution personnelle, voire de métamorphose. Il est réaffirmé que, éthiquement, il est inenvisageable d’accompagner des clients dans la compréhension d’eux-mêmes, sans faire soi-même le chemin. Dans la logique de ce parcours mêlant travail sur soi et fondamentaux théorico-pratiques de l’accompagnement amenés par Antoine Lécolle (un nouveau somatothérapeute formé par Richard Meyer et gérant de Somathéra) qui a rejoint l’équipe de l’EMPSI en 2022, il est aussi proposé des séances de supervision en ligne qui sécurisent les praticiens et les aide à clarifier les ressorts de leur pratique, les transferts et contre-transferts en oeuvre dans la relation masseur-receveur.
L’axe 2 appelle très vite la création d’une nouvelle proposition de formation pour les débutants. En effet, beaucoup de stagiaires renvoyés vers d’autres organismes de formation dont F2M disent ne pas y trouver le même attrait humaniste. Caroline Maisonneuve imagine alors, puis fait fonctionner, un réseau de praticiens installés, anciennement formés par l’EMPSI, qui délivrent des formations initiales, en « immersion » dans leurs cabinets, permettant ainsi aux stagiaires initiés de rejoindre le cursus « accompagner par le massage ».
En 2023, après avoir pu délivrer les principes du toucher intuitif à une petite quarantaine de professionnels du massage, l’axe 1 s’autonomise et prend son envol au sein d’une nouvelle école : Lumen formation. C’est le 4ème essaimage des valeurs et de la logique pédagogique de l’Ecole du Massage Intuitif (un organisme de formation créé à Sens en 2012 et fermé depuis, F2M en 2021, la relance d’une formation massage au sein d’Isthme formation par Bérengère Simoens en 2022, et Lumen en 2023).
L’EMPSI reste surtout une école de pensée du massage humaniste de laquelle se revendiquent ouvertement environ 300 praticiens. Elle se recentre à nouveau sur son ADN de base : l’accompagnement par le massage. Une nouvelle équipe de direction est mise en place en 2023, constituée de Caroline Maisonneuve, Antoine Lécolle et Manuel Gastambide, avec le projet d »approfondir la dimension somatothérapeutique de l’Ecole du Massage Psycho-Somato-Intuitif, en gardant l’esprit artisanal renforcé par l’idée des formations locales en immersion.
A suivre…